D’après l’article de LOPES DE SOUSA JABBOUR A. B., I. LAGUIR, Rebecca STEKELORUM, S. GUPTA paru sous le titre “The nexus of artificial intelligence and sustainability performance: Unveiling the impact of supply chain transparency and customer pressure on ethical conduct ”, dans Journal of Environmental Management, en janvier 2025

Quels enjeux ?

Amazon qui ajuste la taille de ses colis, L’Oréal qui optimise les flux entre ses sites de production de Vichy et de La Roche Posay : ces deux exemples illustrent l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans les chaînes d’approvisionnement, dans le but d’améliorer la performance des firmes en termes de durabilité. Si l’IA apparaît comme une technologie stratégique pour transformer les chaînes d’approvisionnement, son potentiel à améliorer la performance durable des entreprises (CSP – Corporate Sustainability Performance) dépend de sa capacité à favoriser la transparence de la chaîne d’approvisionnement (SCTrans) et à répondre à la pression croissante des clients pour une conduite éthique (CPEC). La contribution majeure des auteurs est de combler un vide théorique et empirique dans la littérature en analysant simultanément les relations entre IA, SCTrans et les trois piliers de la durabilité (environnemental, social et économique) en tenant compte du rôle modérateur des clients.

Questions de recherche

La recherche vise à répondre à deux questions centrales. Dans quelle mesure l’IA influence-t-elle la transparence des chaînes d’approvisionnement et la performance durable des firmes ? Quel est l’effet de la pression des clients sur les liens entre IA, SCTrans et CSP ? Ces questions sont étayées par quatre hypothèses de recherche, théoriquement fondées et empiriquement testables : 

H1. L’IA est positivement associée aux performances environnementale, sociale et économique.

H2. L’IA favorise la transparence des chaînes d’approvisionnement

H3. La transparence des chaînes d’approvisionnement médiatise la relation entre IA et CSP.

H4. Parce que les clients sont parties prenantes (stakeholders) des firmes, leur pression pour un comportement éthique des firmes modère positivement cette médiation.

Données et méthodes

Sur le plan théorique, les auteurs mobilisent la théorie du management par les ressources (ressource-based view – RBV) pour caractériser l’IA comme ressource stratégique procurant un avantage concurrentiel, dans sa capacité à collecter, gérer et interpréter de l’information et accroître le potentiel d’innovation dans les produits et les process. Ils recourent également à la théorie des parties prenantes (stakeholder theory), les clients étant des parties prenantes des firmes, au même titre que les fournisseurs ou les actionnaires par exemple.

Sur le plan empirique, les auteurs utilisent les données collectées auprès d’un échantillon final de 204 entreprises manufacturières françaises, dont les managers ont été interrogés en 2021 via un questionnaire en ligne. Les variables pertinentes (IA, CSP, SCTrans et CPEC) sont construites à partir des items du questionnaire. Les techniques d’analyse mobilisées (notamment analyse en composante principale et régression hiérarchique) permettent de s’assurer de l’absence de biais d’échantillonnage, d’identifier les facteurs déterminants dans les relations testées et de tester les hypothèses de médiation et de modération. 

Messages clés 

  • L’IA améliore directement la performance durable : elle est positivement associée aux performances environnementale, sociale et économique, validant son rôle concurrentiel en tant que ressource stratégique.
  • L’IA renforce la transparence des chaînes d’approvisionnement : elle permet de tracer les flux, surveiller les fournisseurs et optimiser les échanges inter-entreprises.
  • La transparence des chaînes d’approvisionnement agit comme un médiateur incomplet entre IA et durabilité : la transparence agit comme médiateur complet du lien entre IA et performance environnementale, et médiateur partiel du lien entre IA et performance sociale. En revanche, la transparence des chaînes d’approvisionnement ne renforce pas l’effet de l’IA sur la performance économique, peut-être en raison de coûts de mise en œuvre élevés à court terme.
  • La pression des clients pour un comportement éthique renforce les effets de l’IA via les chaînes d’approvisionnement : elle potentialise l’impact de l’IA sur les performances environnementale et sociale, soulignant l’importance des clients comme parties prenantes des firmes. A contrario, la pression des clients pour un comportement éthique ne modifie pas le lien IA–performance économique.