Cet article de Yves Richez vous est proposé à l'occasion de l'événement exclusif de découverte du Parcours Sherlock™ dont il est l'auteur qui aura lieu le mardi 27 mai 2025 à Paris au campus ICN La Défense.
Yves Richez est Docteur en sémiologie, spécialisé dans l'étude du langage, des gestes professionnels et des dynamiques d'actualisation du potentiel humain,
Le mot diversité, lat. diversitas, signifie « divergence, opposition ».
Notre période semble cristalliser cette divergence comme rarement notre civilisation l’a vécue.
L’arrivée récente de l’I.A. textuelle de type LLM met à l’épreuve notre idée, erronée, du mot intelligence. Deux « intelligences », l’une face à l’autre, non pour se concurrencer (le mot signifiant : avoir prétention d’égalité), mais bien pour coopérer (cum ; opera : produire ensemble quelque chose de conjoint).
L’I.A. n’est pas le seul événement marquant de ces trois dernières années, il y en a un autre. Celui que représente le serious game comme réponse, ou du moins, comme une voie alternative à la formation classique, normée, certifiée. Le mot serious game, désigne un jeu sérieux au format digital ou analogique (support physique). Il se caractérise par l’apprentissage et l’accès à la connaissance dynamisé par un procédé dit de ludification ; on joue, non pour « passer un bon moment » sans incidence dans la vie, mais pour bénéficier de la stimulation offerte par une coopération collective et/ou par une expérience individuelle instructive.
Voici un titre bien étonnant, voire agaçant. Expliquons-nous.
L’acronyme I.H. (Intelligence Humaine) s’inscrit en face de l’acronyme I.A. (Intelligence Artificielle). La particule « er » est empruntée à la langue chinoise (而), en effet elle n’a pas d’équivalent dans notre langue, si ce n’est « et » ou « ou ». Cette particule est à la fois adversative et consécutive. Dans la langue chinoise, elle agit comme pivot d’une réalité en devenir. Elle exprime un rapport actif de corrélation et en même temps d’opposition sans pour autant « s’exclure ». Dans le même temps, elle permet aux deux forces en cours – I.A. et I.H. – d’interagir l’une au regard de l’autre, de sorte qu’une nouvelle réalité advienne.
Le débat autour de la sécurité, de la confidentialité des données, d’une IA nationale, ou encore, d’une qualification de type « outil » corrompt la connaissance fondamentale que l’I.A. tend à nous apporter à l’esprit, c’est-à-dire : notre en-face humain à la fois dans ce qu’il implique de modestie et d’humilité (synonymes mais bien distincts). La modestie est une vertu qui nous permet de juger avec objectivité nos limites : nos qualités, nos connaissances, notre science. L’humilité, quant à elle est une vertu qui nous permet d’accepter la limite que les forces du réel nous opposent : le vent, la pluie, la température, etc.
L’Intelligence dite Artificielle donne l’opportunité à l’Intelligence Humaine de retrouver sa vitalité. En effet, l’intelligence (gr. mens) signifie l’imagination débrouillarde, la mesure des choses grâce à la quelle on débrouille une situation, la technique pratique et articulée (gr. technê pantoî), etc. Or, les décennies passées, engluée par le procédé d’analyse (gr. analusis) ont conduit l’humanité d’Occident à déprécier ses facultés naturelles. Ce faisant, elle a entraîné une forme de sénescence du potentiel humain : réduite à une hypertrophie identitaire, en pseudo-concepts socio-économique, en objets quantifiables. Elle est devenue une Société d’humain technomorphe[1] ; c’est-à-dire, où l’humain est formé-modelé selon l’attendu technique et substantivé de la Société et non plus, comme un être entier dont le potentiel et les possibilités sont multiples et porteuses de propension.
La particule er exprime cette qualité de potentialisation grâce à laquelle l’IA et les serious games offrent à l’esprit humain et par extension à l’ensemble des sujets de notre Société, une tendance heureuse et bénéfique qui échappent au Grand Modèle.
La formation classique de l’adulte, dont la profession se désigne par le mot andragogue, est devenue un ensemble de normes, de règles et de modèles bien éloignés de ce que le mot « forma » donnait à voir à l’époque de Rousseau et des trois Maîtres.
Écrire Serious Game er I.A. n’a bien sûr pas l’intention de s’égarer dans un usage tressé de chinois et de français, mais bien, là encore, de donner de nouvelles options sérieuses pour les organisations.
Il convient d’objectiver ce que ces deux solutions offrent comme pivot pour donner à vivre et à penser de nouvelles possibilités autant que de nouvelles potentialités pour les organisations et les entreprises.
Le Serious Game Parcours Sherlock™ a été conceptualisé dès 2022 en intégrant l’I.A. textuelle. La raison fut simple : le traitement lexicologique que potentialise l’IA pouvait offrir aux futurs animateurs et animatrices une liberté d’animation, libérée de la charge mentale inhérente au « savoir » à maîtriser.
Ce ne sont pas moins de six agents GPT qui ont été créés pour soutenir l’activité du Serious Game dont par exemple :
Etc.
Les Maîtres de l’Animation peuvent animer et dynamiser plusieurs personnes en même temps, tout en leur proposant des explorations impensables il y a encore deux ans de cela, grâce aux agents. Ils peuvent accéder à des informations, mais aussi produire de la connaissance utile en quelques minutes ; chose impensable il y a quelques mois encore.
Le Syndicat Français des Serious Game Designer[2] définit le Serious Game comme un jeu utilitaire ayant pour intention soit de diffuser un message, soit de dispenser un entraînement, soit d’échanger des données. À la différence d’un jeu classique, de divertissement et sans influence en dehors de la partie, le Serious Game exerce une influence sur le monde. Quand on y joue, on (se) fait évoluer, et par extension, on fait évoluer ce qui est autour de nous.
Le serious game est un procédé influent (lat. in- ; fluere) autant qu’il influence. Fondamentalement positif (fluidifie, vitalise, anime), l’expérience y est réelle car les joueurs expérimentent ce pour quoi ils vont acquérir une connaissance – et non un savoir - sans enjeu (ni risque ni opportunité).
La connaissance est indissociable de l’expérience (lat. experiens) ; il ne peut y avoir de connaissance que s’il y a une expérience. Or pour que la connaissance soit réelle (cum- ; nascere), l’expérience ne doit pas être interrompue par des apports théorico-conceptuels. En effet, la valeur ajoutée du serious game, c’est qu’il inclut ledit savoir. Non de ce savoir que l’on apprend par goût, celui qui a donné lieu à sapiens, mais le savoir que l’étude, seule, oblique vers la connaissance. Ce savoir-là a pour origine latine « scire », ce mot qui a donné le mot science (sciens).
Le serious game offre des qualités que la formation classique ne peut plus offrir du seul fait de son système de pensée actuel. Si le serious game et la formation classique partagent un ancêtre commun, l’apprentissage, c’est étonnamment le serious game qui en est le plus proche – de cet ancêtre – par ce que le jeu offre à l’activité d’apprentissage
L’orthographe actuelle du mot composé libre serious game est sans trait d’union. Il pose ainsi le problème d’un assemblage de deux mots que rien n’unit. Serious et game, que le linguiste français fustigera – à raison. Écrire serious-game, ou jeu-sérieux avec un trait d’union renforce non l’idée, mais le principe de la relation profonde que les deux mots entraînent. Là encore, ce trait d’union[3], à l’instar de la particule chinoise er (而) peut conférer une idée de pivot, de liaison et de structuration. Il offre la possibilité d’offre à l’un les qualités (qualitas) de l’autre et inversement.
Le mot serious-game n’est plus, alors, un énième anglicisme que l’on jugera sans tribunal ; au contraire, le trait d’union apporte au mot serious-game qu’il unit, une forme de coopération trans-culturelle. En effet, la langue d’en face participe à nuancer la nôtre, en y apportant ce signe typographique grâce auquel l’esprit perçoit, sans pour autant avoir à comprendre, que la liaison entre les deux est dynamique et non statique.
C’est pourquoi, écrire serious-game Parcours Sherlock™ fait sens autant qu’il donne du sens à ce jeu bien sûr, mais à tous les autres en pacifiant, s’il était nécessaire de le dire, la coopération entre les langues : ici, l’anglais, le français et le chinois.
Serious-game, Intelligence Artificielle et Intelligence Humaine sont opérantes. Elles offrent plus de connivence qu’elles n’induisent de pseudo-concurrence entre le technologique et l’organique. Ni l’I.A. ni le serious-game ne sont un outil (un marteau, une fourchette, un crayon sont des outils) ; ce sont des existants (lat. possibilis) qui offrent à l’esprit, la possibilité de lui faire apparaître une réalité sans l’en écarter. Aucun outil n’en est capable.
Le 27 mai prochain, à Paris, au Campus d’ICN seront présentés le matin : le documentaire, les Mains de l’Humanité suivi, l’après-midi, de la présentation du serious-game Parcours Sherlock™. Ces deux moments présenteront ce que la réalité nous offre comme possibilités et comme potentialités.
Cet article, lui, a tenté d’expliquer (explicare) les dessous sémiologiques, anthropologiques et lexicologiques qui organisent, structurent et pensent le serious-game Parcours Sherlock™ afin de rendre concret et objectif ces nouvelles possibilités ; car, dans un monde englué dans une sémantique guerrière et négative, il est bon de garder à l’esprit que la Langue est civilisationnelle. Cette qualité essentielle lui permet, d’une part, de vitaliser et de pacifier les périodes sombres que l’humanité doit (encore) traverser ; et, d’autre part, d’offrir à l’esprit humain une carte sémantique indispensable pour penser, décider, faire, se mouvoir.
[1] Terme adapté du néologisme « technimorphisme » présenté dans ma thèse de doctorat, 2016, p. 22. ; technê (manière maîtrisée) ; morphê (forme)
[2] https://www.sgd-syndicat.org/
[3] Avec bien sûr, en évidence, le principe acté que le trait d’union est un signe typographique alors que la particule er (而) est une conjonction.